Un franchissement est une séquence paysagère et urbaine particulière qui met en valeur à la fois le paysage franchi et le paysage donné à voir depuis le franchissement.
De même, il constitue une pièce urbaine visible de l'extérieur qui est un maillon urbain, bien spécifique, de liaison entre quartiers qu'il peut être intéressant de souligner.
Nos axes de réflexions portent sur la recherche d'une architecture traduisant le statut public de l'aménagement, la qualité urbaine et environnementale avec la place donnée aux perceptions des usagers autant que des riverains, la durabilité et la facilité de maintenance des matériaux proposés, et naturellement, le soucis d'une articulation et d'une continuité cohérentes avec le statut des voiries et ambiances urbaines de part et d'autre de l’ouvrage.
Les écrans SNCF latéraux d'une hauteur de 2.50 mètre au-dessus du sol piéton, liés à la contraintes de protection des caténaires SNCF, sont une des contraintes fortes du projet, sinon « LA » contrainte. Celle-ci est donc d'ordre esthétique et donc architecturale. On ne peut imaginer proposer à la ville de Rouen pour ce franchissement majeur ; véritable espace public « identitaire » de son développement Nord en bordure de la rive gauche de la Seine. Le modèle de catalogue proposé par la SNCF dans ce domaine (écrans en mailles très serrées avec des montants tous les 1,50 m environ en acier galvanisé), sont en somme de simples clôtures, très solide certes, mais très tristes et peu engageantes, et en tous les cas « insignifiantes » en termes d'architecture et de composition urbaine.
Au contraire, nous pensons qu'il est important de « signifier » cet ouvrage, qu'il fasse sens dans l'aménagement imaginé et porté par la Ville et son plan d'urbanisme. Notre idée est de se servir de cette contrainte pour qualifier la traversée de cette friche : immense brèche ferroviaire et paysagère. Le projet architectural entend révéler et mettre en scène cette ouverture, cette séquence scénique pour l'avenue, dans son lien avec le paysage caractéristique des bords de Seine, et au loin le relief collinaire visible qui raconte le méandre du fleuve pour le moment en attendant le construction petit à petit de la ville au fil des ans.
C'est bien cette géographie première qui a « établi » les infrastructures humaines jusque dans le positionnement des voies ferrées et nous trouvons intéressant que l'ouvrage « raconte » cette échelle.
ECRAN
L'écran peut servir de « tendeur » - de tenseur - entre les culées comme une matière étirée, qui borde et qualifie les rives du pont. Imaginé comme un seul élément déployé dans sa longueur, il n'est pas la répétition lassante d'une succession de panneaux identiques ; mais un organe élancé d'une rive à l'autre qui contient le plateau de franchissements multiples.
C'est l’expression de la recherche d'une architecture simple et forte à l'échelle de la ville, vue depuis les rives comme depuis les étages des immeubles, offrant une carène protectrice ludique et valorisante accompagnant les cheminements. L'objet, ou plutôt le dispositif architectural - nait et «se dissout » dans le traitements des garde-corps et leurs belvédères situés aux extrémités.
L'écran se fait voilage. Il masque autant qu'il donne à voir.
De simples madriers de chêne, disposés tous les 50 cm selon une ligne ondulante en plan s'inclinent tour à tour pour former une surface paraboloïde hyperbolique dont émerge une architecture cinétique. Un filet inox à mailles serrées, flexible et léger, épouse parfaitement la surface ondoyante.
Le vide entre les madriers est quant à lui comblé par des lames d'acier autopatinable sur la partie basse, afin de respecter une hauteur pleine de 1m de haut minimum.
APPUIS
Afin de gagner en légèreté, les appuis prennent la forme de 3 voiles allégés ou « enceintes » évidées - sortes de "cage d'air" (ou "cage de terre") à l'instar des gabions de pierres qui soutiennent les jardins côté Est.
Les voiles de culée sont fermés par un remplissage pour bloquer les terres (tôles Corten épaisse qui rappellent la terre sombre des talus) mais qui offre un effet de contraste intéressant.
Pour ce qui est des profil en travers (murs de culée et pile), les têtes de voiles reprennent l'inclinaison maximale des écrans. Les murs en retours gardent le fruit inversé, conférant ainsi aux culées un statut de socle alvéolaires enterré.
Ce parti architectural est cohérent avec l'intention de mettre en valeur d'abord la forme et la nature de l'enveloppe que composent les écrans. Dans le même temps il s'agit de transcrire le souhait de limiter l'emploi du béton par ces structures dessinant des enceintes alvéolaires.
Ce parti constitue un socle paysagé qui « joue » avec le paysages en tissant, soit des transparences, soit des mixages de matériaux (contenant / contenu). En cela il s'inspire des mises en œuvre et matériaux déjà inscrits dans le parti paysager : structures gabions, clôtures en ganivelles, teintes minérales, bois et terre (ou « rouille »).